Classiques

Jean Giono – Les chemins de l’oeuvre

Marc Bordier par Marc Bordier /

Jean-Giono

De passage à Manosque pendant mes vacances estivales, je me suis rendu en compagnie d’une amie au centre Jean Giono pour visiter l’exposition “Les chemins de l’œuvre” consacrée au célèbre écrivain. Bien que la visite fût courte (moins d’une heure), elle m’a aidé à découvrir un auteur que je croyais connaître, mais sur lequel je me trompais complètement.

Dans mon panthéon littéraire intérieur, j’ai longtemps classé Giono dans la catégorie des écrivains régionaux, ceux dont le talent principal consiste à dresser le tableau pittoresque d’une Provence authentique à la manière d’un Marcel Pagnol ou d’un Frédéric Mistral. A ma décharge, il faut dire que le culte qui entoure son nom dans la région nous incite à croire à ce mythe. En outre, le lecteur de Jean Giono ne manquera pas de déceler dans son oeuvre un attachement viscéral à la beauté des paysages de Haute Provence et une certaine tendresse pour les habitants de ce pays, comme par exemple dans ses Notes sur l’affaire Dominici, un essai consacré au caractère des protagonistes du triple meurtre commis au village de Lurs en 1952.

Pourtant, Giono n’est pas ce que l’on pourrait appeler un écrivain régionaliste, si l’on entend par là un genre de littérature qui s’attache à chanter les us et coutumes d’un pays ou à restituer la couleur de ses habitants et de ses paysages.  La Provence qu’il décrit dans ses romans est un pays imaginaire, une contrée transformée par la subjectivité de l’artiste, comme il s’en explique dans cet entretien :  “La Provence que je décris est une Provence inventée et c’est mon droit. C’est une Provence inventée, c’est un Sud inventé comme a été inventé le Sud de Faulkner. J’ai inventé un pays, je l’ai peuplé de personnages inventés, et j’ai donné à ces personnages inventés des drames inventés, et le pays lui-même est inventé. Tout est inventé. Rien n’est fonction du pays qui est sous mes yeux, et il participe du pays qui est sous mes yeux mais en passant à travers moi.

Pour moi en tant que lecteur, cette révélation a dissipé un malentendu que je traînais depuis longtemps et qui m’a sans doute empêché d’apprécier l’œuvre de Jean Giono. Ainsi, en lisant Le Moulin de Pologne (cf. mon billet sur ce blog daté de juillet 2019), j’ai été déçu de n’y trouver aucun des ingrédients de la couleur locale que j’étais venu y chercher, comme si l’auteur n’avait pas rempli sa part du contrat que j’avais signé avec lui. En vérité, c’était bien moi qui m’étais trompé, car Jean Giono dans ce récit voulait avant tout aborder le thème de la jalousie et de la médisance, des sentiments et des comportements qui, loin d’être réservés aux provençaux, appartiennent au caractère universel des hommes.

Vous pourriez aussi aimer

Mots clés

Exposition "Les chemins de l'oeuvre", Jean Giono, Manosque, Provence