Classiques

Le Moulin de Pologne, récit de la médisance ordinaire

Marc Bordier par Marc Bordier /

Moulin-Pologne-Giono-Van-Gogh

J’ai mis à profit ma semaine de vacances (studieuses) sous le soleil des Alpes de Haute Provence pour redécouvrir l’écrivain le plus célèbre de la région : Jean Giono. De cet auteur, j’avais déjà lu (et apprécié) Le Hussard sur le toit, roman d’aventures consacré à l’épidémie de choléra à Manosque, dont le cinéaste Jean-Paul Rappeneau a tiré un magnifique film avec Juliette Binoche et Olivier Martinez dans les rôles principaux. Mais Le bonheur fou, malgré son titre très prometteur, m’était tombé de mains. Cette fois, mon choix s’est porté sur Le moulin de Pologne, un peu par hasard : c’était tout simplement le premier livre de Giono que j’ai trouvé dans ma bibliothèque sur mon lieu de vacances.

Racontée par un narrateur anonyme habitant une ville de taille moyenne en Provence au début du XXème siècle, Le Moulin de Pologne est l’histoire d’une famille provençale frappée par une mystérieuse malédiction qui provoque la mort tragique de ses membres. Tout débute après les guerres napoléoniennes avec l’arrivée de Costes, qui achète le domaine du Moulin de Pologne. Conscient de la menace qui pèse sur ses deux filles, il décide de les marier à des garçons “à qui il n’arrive jamais rien”. Pourtant, malgré tous ses efforts, la malédiction familiale va frapper toutes les générations de Costes, jusqu’à leur dernière descendante, Julie de M… Défigurée dans son enfance par les mauvais traitement de ses camarades, elle finit par épouser un homme extraordinaire, M. Joseph. Leur liaison fait beaucoup jaser les habitants de la ville, mais elle vient finalement à bout des médisances et des commérages alors que le jeune couple parvient à faire renaître le domaine du moulin de Pologne. Mais nul n’échappe à son destin, et Julie connaîtra la même fin tragique que ses ancêtres…

Le Moulin de Pologne et un roman curieux, et j’avoue que sa lecture m’a dérouté. Tout d’abord, je n’y ai rien trouvé de la couleur locale que j’étais venu y chercher. En effet,  rien ici ne permet de deviner que l’action se déroule en Provence : il n’y a que très peu de descriptions ni même de dialogues, et le lecteur venu y chercher des paysages, une couleur ou une histoire locale restera sur sa faim : Le moulin Pologne n’est pas un roman provençal.

Une fois écarté ce préjugé de lecture, il est possible d’apprécier le roman pour ce qu’il est : un tableau de la médisance et de la jalousie humaine. En effet, Le Moulin de Pologne est une brillante satire des petites cruautés ordinaires et des commérages dans une ville de province. Le roman atteint son paroxysme dans cette scène du bal du Casino au cours de laquelle la malheureuse Julie s’offre en pâture aux regards malveillants de toute la communauté, avant d’être sauvée par la bonté et la générosité de M. Joseph.

En refermant ce livre, j’avoue être demeuré perplexe : en effet, si j’ai apprécié la richesse du style de Giono, je suis resté de marbre face à son tableau de la méchanceté ordinaire, sans doute parce que je ne m’étais pas renseigné sur son contenu avant d’ouvrir ce roman. Pour vous faire votre propre idée, je vous invite à le lire et à me faire part de vos impressions de lecture sur ce blog.