
Littérature contemporaine
par Marc Bordier /

Le nouveau roman de Séverine de la Croix sur le thème de l’amour et de la communication
Il y a quelques années, j’ai lu et apprécié Les mensonges ne meurent jamais, un roman policier à forte coloration psychologique dans lequel Séverine de la Croix racontait les difficultés de communication au sein du couple et de la famille. Psychologue de formation, elle y mettait en scène une jeune femme trentenaire qui remontait le cours de son histoire familiale pour y percer à jour des secrets enfouis sous le sceau de l’incommunication.
En ce printemps 2018, Séverine de la Croix nous revient avec un roman dans lequel elle explore les mêmes thèmes, mais cette fois avec une vision plus intime et directement inspirée des épreuves personnelles qu’elles a traversées. Là où l’on s’aime, il ne fait jamais nuit raconte l’histoire de deux sœurs que des désaccords et incompréhensions ont éloignées l’une de l’autre, et qui doivent affronter deux visages difficiles et opposés de la maternité : l’aînée, Mathilde, ne parvient pas à enfanter malgré de nombreuses consultations médicales en compagnie de son mari; l’autre, Félicité, élève seule deux enfants issus de pères différents, dont l’un est le fruit d’un viol. Grâce à l’amour de leur famille et de leurs proches, les deux sœurs vont renouer des liens abîmés et reconstruire leur vie pour aller de l’avant.
Un récit positif et bien construit
De par les thèmes qu’il aborde et le contenu de son intrigue, Là où l’on s’aime, il ne fait jamais nuit appartient au genre des feel good books, un type de roman à l’esprit résolument optimiste, destiné en général à faire du bien à ses lecteurs en racontant une quête psychologique personnelle qui est aussi une reconstruction ou une réparation. En librairie, ces livres sont au croisement des livres de développement personnel et de la fiction. Ils se caractérisent par des valeurs positives d’entraide, de solidarité et d’amour, comme l’explique très bien ce blog.
Les esprits grincheux, snobs ou cyniques pointeront le côté commercial de ces romans. Parus juste avant l’été et calibrés pour faire plaisir à leurs lecteurs (ou plutôt lectrices, puisque les feel good books sont lus principalement par des femmes), ils constituent une littérature facile, légère, et pleine de bons sentiments. Par son message positif, le roman de Séverine de la Croix s’inscrit effectivement dans cette lignée. Toutefois, il s’en distingue de deux manières : la première, c’est qu’il comporte une dimension autobiographique, comme le souligne la page de remerciements à la fin, dans laquelle l’auteur explique les circonstances qui l’ont conduite à écrire ce livre : enceinte pour la première fois, elle a dû affronter le souvenir d’un abus sexuel vieux de dix ans qui l’empêchait d’accoucher par voie naturelle. Grâce à l’amour de sa belle-famille, elle a réussi à faire face aux souvenirs douloureux de son propre passé familial. Cette note donne au roman une coloration intime courageuse. Elle lui confère aussi une valeur militante et presque politique, celle du combat d’une thérapeute contre toutes les formes de violence psychologique, que ce soit au sein du couple, de la famille, ou dans le monde du travail.
En tant que lecteur, j’ai également été sensible à l’originalité de sa structure narrative, particulièrement bien adaptée à un récit psychologique. Construit sur une alternance de chapitres courts, il raconte chaque scène en focalisation interne, c’est-à-dire d’un point de vue situé à l’intérieur du personnage, en faisant notamment apparaître ses motivations, ses inquiétudes, ses tics de langage, ses sentiments et sa perception du monde. Les événements s’enchaînent ainsi d’un point de vue à l’autre avec une grande fluidité, et le contraste entre eux permet de restituer avec clarté la personnalité de chacun des personnages. J’ignore si Séverine de la Croix a inventé ce procédé ou si elle l’a emprunté à d’autres. En tout cas, elle en fait un usage judicieux, et cela procure un sentiment agréable à la lecture. J’espère que vous partagerez cet avis en lisant Là où il s’aime, il ne fait jamais nuit.
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Mots clés
littérature positive, Roman feel-good, Séverine de la Croix
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