Littérature étrangère

Dire son nom – Francisco Goldman

Marc Bordier par Marc Bordier /

Aura est morte le 25 juillet 2007. Je suis revenu au Mexique pour le premier anniversaire parce que je voulais être là où c’est arrivé, sur cette plage de la côte du Pacifique. Maintenant, pour la deuxième fois en un an, je suis retourné à Brooklyn sans elle.” C’est par ces quelques phrases que débute Dire son nom, le roman dans lequel l’écrivain et journaliste américain Francisco Goldman raconte la vie et la mort tragique de sa jeune épouse Aura, brisée par une vague meurtrière alors qu’elle faisait du bodysurf sur une plage de Mazunte, dans l’Etat d’Oaxaca au Mexique. Ils s’étaient rencontrés cinq ans auparavant à New York, à une lecture donnée en l’honneur d’un ami écrivain. D’origine mexicaine, Aura était venue à l’âge de vingt-cinq ans poursuivre des études de lettres dans de prestigieuses universités de la côte Est, à Brown University, puis à Columbia. Poussée par les ambitions d’une mère possessive et par sa passion pour la littérature comparée, elle préparait un doctorat tout en rêvant d’entreprendre une carrière littéraire. Lui, journaliste et professeur déjà presque quinquagénaire, était tombé éperdument amoureux de cette jeune femme brillante. Ils s’étaient mariés après quatre années de vie commune entre Brooklyn et Mexico, avant d’être finalement séparés par la mort.
Dire son nom raconte fidèlement cette histoire triste. Puisant dans ses souvenirs et dans le journal de son épouse décédée, le narrateur navigue sans cesse entre un passé riche des souvenirs heureux de la vie à deux et un présent synonyme de deuil, de chagrin et d’absence. Ce livre nous touche par les thèmes à la fois ordinaires et universels qu’il aborde : la rencontre amoureuse, le mariage, les joies et les frustrations de la vie de couple, l’amour et la sexualité, les ambitions personnelles, les disputes, les relations familiales, la mort, le malheur et le deuil. Comme d’autres lecteurs, j’ai été sensible à la beauté simple et émouvante du récit de Goldman, même si, je dois l’avouer, j’ai été de prime abord un peu gêné par son caractère intime et personnel. En effet, les personnages, les situations et les scènes qui constituent la trame du récit sont pour l’essentiel directement tirés de la vie de l’auteur, et à peine déguisés par la fiction. Comment lire un roman tiré d’une expérience aussi intime et douloureuse ? A mon sens, comme un hommage de l’auteur à la femme qu’il a aimée, mais aussi et surtout comme un moyen de nous faire toucher du doigt l’essence et la fragilité d’une vie humaine. Dire le nom d’Aura, raconter sa vie dans un roman, c’est prolonger et immortaliser le souvenir de la brillante jeune femme qu’elle fût, et par là communier avec des milliers de lecteurs dans l’expérience universelle de la condition humaine.