Voyages

D’un Neruda l’autre (1/2) – La Chascona

Marc Bordier par Marc Bordier /



Mon précédent billet sur Jan Neruda m’a rappelé toute l’admiration que je porte à l’autre Neruda, le célèbre poète chilien, auteur du Chant général et des Vers du Capitaine. Je l’ai découvert à l’occasion d’un séjour au Chili, en 2002. Je n’avais jusqu’alors guère lu les auteurs sud-américains. En prévision de ce voyage, je m’étais procuré un exemplaire de l’autobiographie de Neruda J’avoue que j’ai vécu. Au fil des pages, j’ai découvert un homme passionnant, ouvert, curieux de tout et de tous, l’esprit constamment en éveil et à l’écoute du monde.

Les maisons de Pablo Neruda que j’ai eu la chance de visiter reflètent bien cette sensibilité. La première est située à Santiago, au pied du Cerro San Cristobal. Après quelques heures de marche parmi les maisons basses aux façades colorées caractéristiques du quartier de Bellavista, Delphine et moi avons fini par trouver la Chascona (littéralement : « la dépeignée »), que Pablo Neruda a ainsi baptisée en l’honneur de de Matilda Urrutia, sa troisième épouse. Située à l’écart dans une rue peu fréquentée, c’est une maison basse à la façade discrète et presque quelconque. Seul le bleu uni et doux de sa façade au premier étage attire le regard. Mais une fois franchi le seuil, le visiteur pénètre dans un univers riche et insoupçonné. Partout où il pose son regard, il découvre une foule de bibelots éclectiques et bigarrés, un assemblage hétéroclite et baroque ramassé au fil des errances et des amitiés du poète, véritable galerie foisonnante de souvenirs dans laquelle se dessine la vie cosmopolite et chaleureuse d’un écrivain voyageur imprégné de l’humeur du monde.

La maison surprend par sa verticalité morcelée. Elle est curieusement composée de plusieurs bâtiments à flanc de colline entre lesquels on circule par un escalier étroit au milieu d’un jardin luxuriant. L’ascension s’achève dans le salon de l’écrivain, face à la baie vitrée qui embrasse toute la ville de Santiago. Parvenu à ce point, le visiteur saisit toute l’originalité de ce lieu : à la fois pudique et chaleureuse, discrète et ouverte, secrète et généreuse, la Chascona est un magnifique poème coloré posé délicatement au cœur de Santiago.