Littérature contemporaine

Celles qu’on tue – Patricia Melo

Marc Bordier par Marc Bordier /

Celles-quon-tue

Parmi les nombreux livres parus en cette rentrée littéraire, j’ai jeté mon dévolu sur Celles qu’on tue, de la romancière brésilienne Patricia Melo. Déjà connue en France pour ses romans policiers à l’atmosphère sombre et violente, elle raconte dans ce roman l’histoire d’une jeune avocate de Sao Paulo venue assister au procès de trois hommes qui ont violé, torturé et assassiné une jeune fille indigène de 14 ans dans l’Etat de l’Acre, à l’ouest du Brésil. Dans cette région pauvre et reculée à la frontière avec la Bolivie, la vie des femmes ne vaut pas grand’ chose : pour un simple regard ou un mot de travers, elle se retrouvent étranglées ou égorgées par leurs maris, leurs amants ou même leurs oncles. Au fil du procès, la narratrice va prendre conscience de la l’ampleur des violences contre les femmes et faire le lien avec sa propre histoire, en découvrant la véritable cause du décès de sa mère. Elle prendra aussi ses distances avec son petit ami du moment, dont la véritable nature de prince pas si charmant se dévoile dans toute sa laideur.

Par sa violence très crue et ses descriptions cliniques, le roman de Patricia Melo suscite parfois le malaise, à dessein. Les scènes de viol et de meurtre y sont nombreuses : à celles qui appartiennent à l’intrigue principale s’ajoutent des chapitres interludes qui relatent en quelques lignes des histoires de féminicides comme il s’en produit chaque jour au Brésil. Il s’agit ici de choquer le lecteur, de l’interpeller pour mieux lui faire prendre conscience des rapports de violence et de domination qui caractérisent la société brésilienne, notamment à l’égard des femmes et des indigènes.

Lors d’un discours à la Sorbonne en 2018, Patricia Melo décrivait en ces mots la société brésilienne :  «La violence est un élément structurel de la société brésilienne, depuis la colonisation et l’esclavage. L’injustice sociale et les inégalités au Brésil ne datent pas d’aujourd’hui. Mais à présent, avec des régimes de dictature et la répression, la violence a d’autres apparences, faisant de l’extermination une pratique courante (‘praxe do extermínio’). La violence est devenue une forme de domination sociale. Même les conflits quotidiens sont réglés par la violence.” (source : Lusojournal). Avec Celles qu’on tue, l’écrivaine brésilienne poursuit ainsi son engagement militant et humaniste, en dénonçant la violence de son pays avec les armes qui sont les siennes : la fiction et la conscience de ses lecteurs.

Vous pourriez aussi aimer

Mots clés

Brésil, Littérature brésilienne, Patricia Melo, Rentrée littéraire