Littérature anglaise

Sophie Kinsella – L’accro du shopping à Manhattan

Marc Bordier par Marc Bordier /

Après les méditations métaphysiques de Chateaubriand sur les ruines des pyramides égyptiennes, place à un sujet plus léger : les aventures de Becky Blomwood, également connue sous le surnom de « l’accro du shopping ». En cette période de détente estivale, entre deux baignades et un apéritif, j’ai lu avec amusement le deuxième volet de la série, L’accro du shopping à Manhattan. Dans cet épisode, la plus célèbre journaliste financière d’Angleterre s’envole pour New York en compagnie de son fiancé Luke. Dans ce paradis du shopping, elle s’enivre de soldes, de ventes privées, de grandes marques et de belles boutiques. Hélas ! la réalité la rattrape bien vite sous la forme d’un article de tabloïd dévastateur qui pointe les contradictions entre les sages conseils d’épargne qu’elle prodigue chaque semaine à la télévision et la situation calamiteuse de ses finances personnelles fortement dégradées par ses habitudes dépensières. Pour ne rien arranger, les projets professionnels de Luke pour monter la branche américaine de son agence de communication connaissent quelques revers, encore aggravés par la mauvaise presse provoquée par l’article médisant. Après de multiples déchirements, le couple finira par se ressouder et parviendra à surmonter ses difficultés jusqu’à un dénouement forcément heureux, tant sur le plan professionnel qu’amoureux.

Vous l’aurez compris, L’accro du shopping à Manhattan est un livre léger, vite lu et aussi vite oublié. D’où vient son succès ? Comment expliquer cette popularité ? Tout d’abord, il y a précisément cette légèreté. Le livre se place très clairement dans la lignée d’un genre typiquement anglo-saxon, celui de la littérature de divertissement. L’accro du shopping est un peu la version romancée d’un magazine féminin, dont il emprunte d’ailleurs les principaux ingrédients : la mode, les marques de vêtements, le shopping, la relation amoureuse, les conseils beauté et les régimes minceur. Ensuite, l’humour. Fortement inspiré du Journal de Bridget Jones, l’accro du shopping met en scène les mésaventures d’une jeune anglaise maladroite. L’effet comique est produit ici par le décalage entre les conseils de fourmi que prodigue l’héroïne – rappelons qu’elle intervient comme conseillère financière dans une émission télévisée quotidienne – et son comportement de cigale maniaque du shopping. Il est d’autant plus fort qu’il n’y entre aucune part d’hypocrisie, mais simplement une bonne dose d’inconscience : Becky Blomwood est une tête de linotte, elle prend avec une sincérité désarmante les meilleures résolutions du monde pour aussitôt craquer devant la première petite robe de couturier venue. Enfin, il y a la narration, simple, efficace et vivante. En se plaçant du point de vue de l’héroïne, elle prend une liberté de ton et une fraîcheur réjouissantes, comme en témoigne cet extrait choisi au hasard (p. 81) : « L’idée m’excite tellement que je manque d’avaler mon chewing-gum. Tourner dans une pub ! Oh ! là, là ! Supercool ! ».

Conclusion : si, comme moi, vous aimez lire de temps en temps (voire souvent…) les articles de Cosmo ouBiba, L’accro du shopping à Manhattan est un roman fait pour vous. Dans le cas contraire… mieux vaut en rester à Chateaubriand.