Littérature anglaise

Les Piliers de la terre – Ken Follett

Marc Bordier par Marc Bordier /


Je voudrais aujourd’hui vous parler du roman le plus entraînant que j’aie lu en 2009, Les Piliers de la terre, du britannique Ken Follett. Je l’ai reçu en cadeau au pied du sapin il y a bientôt un an, avec cette recommandation de la part de celui qui me l’a offert : « tu vas voir, c’est un roman très prenant, tu ne pourras pas décrocher. » Eh bien, je dois dire qu’il avait raison : durant tout l’été, je me suis passionné pour cette saga historique sur la construction d’une cathédrale dans l’Angleterre du XIIème siècle ravagée par la famine, les guerres et les luttes de pouvoir. Je ne suis pas le seul d’ailleurs : depuis sa parution en 1989, le livre est devenu un best-seller international, et malgré sa longueur (1075 pages dans l’édition de poche anglaise que j’ai lue) il a enthousiasmé des générations de lecteurs.
Comment expliquer un tel phénomène ? Comme dans la plupart des livres qui rencontrent un succès public durable, il y a avant tout une bonne histoire, des personnages vivants, et un univers riche et évocateur. Ken Follett a su reconstituer avec brio l’Angleterre du XIIème siècle, et il a eu la bonne idée de l’incarner à travers des personnages auxquels il a donné une véritable épaisseur en les faisant évoluer sur plusieurs générations (de 1123 à 1174, soit plus de cinquante ans). Au fil de ce récit-fleuve, nous suivons Tom le bâtisseur, Alfred, Ellen, Jack, Aliena, Philip, Sir William Hamleigh, et l’évêque Waleran Bigod presque de leur naissance à leur mort ; au fur et à mesure qu’ils grandissent et vieillissent, ils deviennent plus familiers et plus proches dans l’esprit du lecteur, bien plus que dans un roman traditionnel où l’auteur se contenterait de résumer leurs vies en quelques lignes. En outre, leur histoire personnelle explique leurs antagonismes et agit comme un ressort dramatique. La scène du viol d’Aliena par Sir William constitue ainsi un moment fondateur : en introduisant le motif de la vengeance, elle devient un moteur puissant qui tient le lecteur en haleine au fil des pages.
Comme d’autres, j’ai été sensible à ces qualités. Toutefois, c’est avant tout le message humaniste que j’ai le plus apprécié dans ce roman. Les Piliers de la terre est en effet un récit de courage et de persévérance dans lequel les forces de paix et de civilisation luttent sans cesse contre l’intolérance et le despotisme. Il oppose ainsi deux visions de la religion chrétienne. L’une, incarnée par le moine Remigius et surtout l’évêque Waleran Bigod, est celle de l’obscurantisme et du fanatisme au service des ambitions personnelles et de la conquête de pouvoir (cf. la scène initiale de la pendaison et les accusations de sorcellerie portées à l’encontre d’Ellen). C’est une religion stérile, injuste, destructrice et violente qui conduit inéluctablement les hommes à la mort sous les coups d’épée de Sir William Hamleigh et de ses sbires. L’autre, celle de Philip, est une puissance qui rassemble les hommes et les conduit sur la voie du développement politique, intellectuel, économique et moral. A travers le récit de la construction de la cathédrale de Kingsbridge, Ken Follett nous livre ainsi une magnifique parabole du progrès humain dans l’Angleterre du moyen-âge.
J’ai découvert récemment que l’auteur a écrit en 2007 une suite intitulée Un Monde sans fin. Inutile de vous dire que je l’ai déjà commandée et que j’attends avec impatience de pouvoir l’ouvrir.