Littérature contemporaine

Retour à Montechiarro, Vincent Engel

Marc Bordier par Marc Bordier /

Toscane
   Me voici de retour à Londres après une semaine de vacances en famille dans le sud de la Bohême. J’ai mis à profit cette pause hivernale pour achever la lecture de Retour à Montechiarro, le roman de Vincent Engel que j’évoquais sur ce blog  il y a un mois déjà. Malgré quelques longueurs, cette saga familiale italienne sur plusieurs générations est un récit captivant dont je vous recommande vivement la lecture.
   La première partie établit les origines de la famille : dans l’Italie du milieu du XIXème siècle, un aristocrate toscan libéral, le comte Della Rocca, se rend à Venise pour rembourser une dette contractée par son père auprès d’un certain Asmodée Edern. Ce surprenant personnage de dandy esthète lui ouvre les portes de la Sérénissime. Grâce à lui, le comte Della Rocca fait la connaissance de Laëtitia, une jeune aristocrate mélancolique dont il tombe rapidement amoureux. Après l’avoir épousée, il la ramène dans son domaine de Montechiarro en Toscane. Malheureusement, cet amour n’est pas réciproque, et peu de temps après lui avoir donné un fils, la belle s’enfuit avec son amant en Amérique où elle disparaît mystérieusement.
    La deuxième  partie du roman se situe soixante-dix ans plus tard, dans l’Italie de 1919 en proie à la montée du fascisme. Autrefois prospère et florissant, le domaine de Montechiarro est tombé en désuétude. Pour le préserver, Agnese, la petite-fille du comte Della Rocca, est contrainte d’épouser  Salvatore Coniglio, un notable local aux sympathies fascistes déclarées. Malgré sa médiocrité, ce dernier profite de l’ascension de Mussolini pour accéder au statut de podestat local. Bientôt, ses ambitions dégénèrent dans un délire grotesque, à l’image de l’Italie entière qui cède au culte de l’Etat et de la force virile. Face à cette domination masculine, Agnese et ses filles Anna et Michaela entrent en révolte chacune à leur manière. Pour Agnese, le salut viendra de la rencontre avec Sébastien Morgan, un photographe belge amoureux des paysages toscans. Quoique séparée de lui par la guerre, elle survivra aux épreuves conjugales et aux déchirements de la guerre grâce au souvenir de cet amour providentiel.
   Dans la troisième et dernière partie, les descendants d’Agnese redécouvrent le domaine de Montechiarro à la fin des années soixante-dix, dans l’Italie des années de plomb marquée par les attentats terroristes d’extrême-gauche. A l’invitation de Sébastien Morgan, devenu un célèbre photographe à la renommée internationale, ils redécouvrent le domaine familial et guérissent de leurs blessures familiales en renouant avec le passé.
    En relisant ce résumé, j’ai l’impression un peu ridicule d’avoir raconté une série télévisée d’été sur France 2. Cela tient sans doute au genre littéraire de la saga familiale historique, avec ses thèmes et ses figures imposées : histoires de famille, amours secrètes, hérédité, trahisons, bouleversements de l’Histoire, redécouverte d’un un passé enfoui, enracinement dans le terroir, etc., sans compter bien sûr l’éloge obligé de la beauté des palais vénitiens et des paysages toscans. Certes, tous ces ingrédients sont bel et bien présents dans le roman de Vincent Engel, et ils ne manqueront pas d’irriter le lecteur snob. Pourtant, il serait injuste de le réduire à cela. D’abord parce que le livre possède d’indéniables qualités stylistiques, comme je le soulignais dans mon précédent billet. Ensuite parce que son récit est servi par une narration savamment construite qui unit harmonieusement des histoires individuelles à différentes époques sous le thème de la révolte féminine face à la violence des hommes et de leurs idéologies destructrices. Les lecteurs ne s’y sont pas trompés, qui ont réservé à Retour à Montechiarro un accueil enthousiaste.