Littérature anglaise

Winter is coming – George R.R. Martin – Le Trône de fer

Marc Bordier par Marc Bordier /

    
   En cette fin d’hiver, je mets à profit ma semaine de vacances pour entreprendre la lecture du “Trône de fer“, le cycle médiéval fantastique de George R.R. Martin.  Publié pour la première fois en 1996, le roman a connu ses premiers succès auprès d’un cercle de fans d’heroic fantasy avant de conquérir le grand public grâce à son adaptation sous forme de série télévisée en  2011. Il raconte les impitoyables luttes de pouvoir que se livrent des familles nobles pour conquérir le royaume des Sept Couronnes sur le continent imaginaire de Westeros, avec en toile de fond la menace d’une invasion des forces maléfiques massées derrière une immense muraille à la frontière nord au milieu des étendues glacées.
    Je n’ai pas encore achevé la lecture du premier tome, mais j’avoue que j’ai bien accroché. Il faut dire que l’univers inventé par George R.R. Martin est riche et captivant, à tel point que certains journalistes ont surnommé son auteur “le Tolkien nord-américain”. La comparaison est flatteuse, mais elle n’est pas tout à fait exacte : là où le monde de Tolkien se distingue par la description minutieuse et exhaustive de ses peuples, de leurs langues, de leur géographie et de leur histoire, celui de George R.R. Martin fait surtout la part belle aux personnages, regroupés en dynasties rivales mais bien souvent liées par l’histoire, le sang et les intérêts communs. Toute l’intrigue repose sur la confrontation entre ces familles nobles dans leur tentative de prise de contrôle du Trône de fer, avec une tension dramatique appuyée sur deux ressorts simples et très visuels qui ont fait le succès de la série : la violence (instrument de conquête du pouvoir par excellence, principalement masculin) et l’érotisme (autre instrument de conquête, celui-là plus subtil et plus féminin, à la fois moyen de manipuler les hommes et d’engendrer des héritiers dans un univers féodal régulé par le principe de la primogéniture mâle). Pour renforcer les jeux d’opposition entre les protagonistes de l’histoire, George R.R. Martin a eu recours à une narration découpée en chapitres racontés chacun du point de vue d’un personnage particulier. Cette technique permet de les caractériser et de leur donner de la consistance tout en épargnant au lecteur de fastidieuses descriptions : l’auteur ne nous explique pas qui ils sont ni d’où ils viennent, il leur donne la parole pour qu’ils se racontent. Ainsi projeté dans leur esprit, le lecteur comprend et apprécie mieux leur pensée et leur personnalité. Pour ma part, j’aime beaucoup Tyrion Lannister, le nain machiavélique frère de la reine Cersei, pour son humour cynique et sarcastique. Enfin, le dernier ingrédient du succès de ce cycle romanesque est certainement le suspense qu’il crée à travers le leitmotiv “Winter is coming“(“L’hiver approche“). Cette phrase, qui revient à de nombreuses reprises dans le récit dans la bouche de ses principaux personnages, exprime l’idée d’une menace imprécise mais certaine, d’autant plus inquiétante qu’elle se rapproche de jour en jour. Qu’est-ce que l’hiver auquel elle fait référence ? S’agit-il seulement  d’une période de glaciation longue de plusieurs années, ou bien d’un déferlement des hordes maléfiques venues des étendues polaires du nord du royaume au-delà du mur ? A l’heure où j’écris ces lignes, je l’ignore encore, mais je vais de ce pas me replonger dans le bouquin pour le découvrir.