Littérature contemporaine

Pierre Jourde – Le Maréchal absolu

Marc Bordier par Marc Bordier /

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   J’ai bien accroché aux premiers chapitres  du dernier roman de Pierre Jourde,  Le Maréchal absolu. Il s’ouvre sur un monologue dans lequel un despote sur le déclin s’adresse à son vieux serviteur.  Après avoir régné durant des années par la violence et le meurtre sur un pays imaginaire nommé Hyrcasie, le tyran est désormais reclus dans son palais de la capitale Bohu, tandis que des factions rebelles campent sous ses fenêtres.  Dans une langue curieuse qui fait le grand écart entre un vocabulaire riche et littéraire  (“coquecigrue”, “calembredaine”) et une gouaille vulgaire et triviale quand elle décrit la dégénérescence ou la destruction des corps abîmés par la violence de son régime (“carne”, “carcasse”, “boucherie”, “tripes”, etc. tout le registre y passe), le dictateur philosophe sur le théâtre d’ombres de son empire à l’agonie. Au milieu de son délire fantasmatique, il s’efforce de retrouver prise sur une réalité qui lui échappe. Au dehors les insurgés se préparent à livrer le dernier assaut.
      Il est encore tôt pour dire si j’aime vraiment ce livre. Pour l’instant, j’apprécie son humour sarcastique et son pessimisme cruel. Au fil des pages, j’ai relevé quelques tournures pleines d’esprit, comme la phrase de conclusion de ce passage où le potentat se lamente de ne pouvoir posséder pleinement ses sujets que durant le bref instant où il leur ôte la vie : “tu as beau les tuer, ils s’obstinent à mourir“. Le style est un peu déroutant au début (la critique du journal québécois Le Devoir le qualifie d'”ampoulé”), mais après quelques pages je m’y suis habitué. Poursuivons.