Voyages

Séjour à Cabourg – lecture de Charlaine Harris et redécouverte de La Recherche

Marc Bordier par Marc Bordier /



Les aléas du transport aérien en période d’activité volcanique m’ont récemment conduit à renoncer à un voyage lointain au profit d’une destination plus proche de Paris : la Normandie. C’est ainsi que j’ai passé la première semaine des vacances de Pâques dans un hôtel à Cabourg. Durant ce séjour improvisé sur la côte fleurie, j’ai achevé la lecture du premier tome de la Communauté du sud – Quand le danger rôde. J’avoue que j’ai été déçu : le récit de Charlaine Harris m’a semblé bien fade, tout comme son style, et en refermant le roman je n’ai pu m’empêcher de soupirer « encore une histoire de vampires… ». Peut-être suis-je tout simplement en train de me lasser ? En fait, je crois que ce que j’ai le plus apprécié, c’est l’image de couverture : cette photo de bouche féminine sensuelle et goulue au vermeil luisant de sang sur un teint laiteux est tout simplement fabuleuse… Mais cela ne suffit malheureusement pas à faire un bon livre.

 

Ces quelques jours passés à Cabourg ont surtout été pour moi l’occasion de redécouvrir la Recherche, que j’ai refermée il y a sept ou huit ans. En digne fétichiste de Marcel Proust, j’ai longuement flâné le long de la mer sur la promenade qui porte aujourd’hui son nom, et parcouru le vaste salon du Grand hôtel en admirant la plage et le coucher de soleil par ses grandes baies vitrées. Comme je l’écrivais ici même le 11 janvier, la relecture de La Recherche fait partie de mes projets pour cette année. Baigné dans l’ambiance de Cabourg-Balbec, je me suis donc replongé avec plaisir dans l’œuvre de Proust. J’y ai d’ailleurs été fortement encouragé par l’excellent article d’Antoine Compagnon intitulé La Recherche à hauteur d’homme dans le magazine littéraire de ce mois-ci, dont le dossier principal, amusante coïncidence, est précisément consacré à Marcel Proust. Antoine Compagnon nous invite à surmonter nos réticences et nos craintes face à une œuvre que beaucoup d’entre nous jugent – à tort – difficile et inaccessible : « L’œuvre de Proust reste trop peu lue. Sa monumentalité supposée intimide : trop complexe et élitiste, perverse et autarcique. Loin d’être une écrasante machine infaillible, ce texte, écrit au pas de course, est au contraire très hospitalier, débordant de vitalité et d’humour. » Je partage pleinement ce point de vue : moi aussi, j’ai été autrefois rebuté par la longueur et l’aura de La Recherche. Mais une fois dépassés mes préjugés initiaux, j’ai commencé à l’apprécier et m’y suis abandonné avec un réel plaisir. Aujourd’hui, je la redécouvre d’autant plus volontiers que j’en connais la nature cyclique : à l’image des phrases qui la composent, cette œuvre se dévoile progressivement, et pour un lecteur attentif, la relecture d’un passage vient souvent éclairer d’une lumière neuve les centaines de pages qui l’ont précédé. C’est ce qui fait de La Recherche une œuvre inépuisable, un classique à lire et relire sans fin.