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Visite des pubs historiques de Londres : le Blackfriar et le Prospect of Whitby

Marc Bordier par Marc Bordier /

Pubs-Londres

La semaine dernière, j’étais à Londres pour une conférence sur l’innovation dans le monde du livre. J’en ai profité pour rendre visite des amis anglais en compagnie desquels je me suis adonné à mon activité touristique favorite : la découverte des pubs londoniens. Attention, il ne s’agit pas d’un pub crawl comme le pratiquent tous les samedis soir les étudiants anglais (j’ai passé l’âge…), mais d’une longue promenade dans la ville accompagnée de pauses dans ses pubs historiques.

Pour commencer, nous avons déjeuné au Blackfriar dans le quartier ainsi appelé parce qu’il abritait au moyen-âge d’une communauté de moines dominicains appelés Black Friars  (littéralement “les frères noirs”) en raison de leurs longues robes noires. Détruit en 1539 suite à la confiscation des biens religieux par le roi Henry VIII dans le conflit qui l’opposait à l’église catholique, leur monastère a malgré tout laissé son empreinte sur ce quartier. Aujourd’hui, il survit symboliquement dans ce pub construit en 1875 et décoré en 1905 par l’architecte Herbert Fuller-Clark. Dans un style qui mélange art nouveau et gothique anglais d’inspiration médiévale, il offre au regard étonné du visiteur son plafond de mosaïques, ses colonnes de marbre et ses murs ornés de bas-reliefs en cuivre dépeignant des moines replets à l’allure joviale, bien plus occupés à satisfaire leurs appétits terrestres qu’à prier Dieu. Après tout, nous sommes ici dans un pub ! Menacé de démolition en 1960, le bâtiment qui abrite le Blackfriar a été sauvé grâce à une campagne menée par le poète John Betjeman. Depuis, il dresse sa silhouette solitaire aux abords du pont du même nom. Selon la petite brochure qui est distribuée à côté du comptoir, le lieu serait hanté par un fantôme bienveillant. Allez y faire un tour : peut-être l’apercevrez-vous…

Le second pub que j’ai visité durant mon séjour londonien est le Prospect of Whitby, le plus ancien pub sur les berges de la Tamise. Construit en 1520 sous le règne de Henry VIII (celui-là même qui détruisit le monastère des Blackfriars), il s’appelait à l’origine The Pelican, mais a été rebaptisé du nom d’un navire charbonnier originaire de Whitby, The Prospect. Ce dernier mouillait en permanence au quai situé à proximité, si bien que les autochtones ont pris l’habitude de désigner le bâtiment par le nom Prospect of Whitby. A l’intérieur, le pub a acquis au fil des siècles une patine qui lui confère un charme pittoresque et chaleureux. Au rez-de-chaussée, un bar en étain s’étend sur toute la longueur à la gauche du visiteur, posé sur un sol en pierre vieux de plus de 400 ans et foulé aux fil des siècles par d’innombrables matelots et voyageurs. Parmi eux, on trouve quelques figures d’artistes célèbres comme les écrivains Samuel Johnson ou Charles Dickens, les peintres William Hogarth, William Turner et James Whistler, ou bien encore le célèbre diariste et historien de Londres Samuel Pepys. Ce dernier a d’ailleurs donné son nom à la pièce dans laquelle j’ai déjeuné d’un bon Sunday Roast à l’étage, et on y trouve encore son portrait affiché au mur. En 1665, Samuel Pepys officiait en tant que Surveyor-General  (“arpenteur en chef”) de l’Amirauté anglaise. Chargé de l’approvisionnement de la marine anglaise en fournitures, il tenait fréquemment des réunions au Prospect of Whitby. Peut-être même y a-t-il écrit quelques chapitres du Journal dans lequel il relate les événements de son époque tels que l’épidémie de peste de Londres (1665-1666) ou le grand incendie (1666).

A la tombée de la nuit, je suis sorti sur la terrasse contempler les eaux sombres de la Tamise. C’est là, au pied du pub, que se trouve le sinistre quai des exécutions, ainsi nommé parce qu’il accueillait les exécutions publiques de pirates condamnés à mort. Ces derniers étaient escortés sous bonne garde depuis la prison proche de Marshalsea, pendus haut et court, et leurs cadavres abandonnés à ballotter au gré des marées de la Tamise, histoire de rappeler les risques encourus à tous les marins tentés par une carrière de pirate. En méditant sur ces histoires sombres, mes amis et moi avons quitté le pub en frissonnant dans l’air humide du soir.

J’aime ces pubs car ils incarnent à la perfection l’essence gothique de Londres : derrière les tours en verre et les cadres pressés de la ville moderne se cache une ville fantastique, riche d’une longue histoire de passions, de meurtres et d’exécutions. A vous de la découvrir en parcourant ces lieux chargés de mémoire.

   

Mots clés

Dickens, Johnson, Londres, Pepys, Pubs londoniens