Littérature contemporaine

Un jour, je m’en irai sans en avoir tout dit – Jean d’Ormesson

Marc Bordier par Marc Bordier /

Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit

   “Qu’ai-je tenté de faire dans ces pages qui progressent comme elles peuvent, tant bien que mal, cahin-caha ? J’ai tenté de donner une idée de ce monde où j’ai vécu, de ses rêves, de ses croyances et de ses manières d’être. Toute ma vie, je n’ai rien entrepris d’autre que de laisser un témoignage , évidemment insuffisant, sur notre histoire […]”  Voilà résumé, par ses propres mots, le projet littéraire auquel se livre Jean d’Ormesson dans son dernier ouvrage Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit. Ce livre testament d’un auteur vieillissant est en quelque sorte le prolongement de ses précédents écrits, comme s’il n’était finalement qu’un chapitre de plus dans un récit plus vaste commencé aux origines du monde et aboutissant à Dieu. Son titre suggère lui-même cette continuité, en empruntant au poème d’Aragon Les Yeux et la mémoirele vers qui suit celui de son précédent roman:
             C’est une chose étrange à la fin que le monde,
             Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit.

    Le lecteur familier de Jean d’Ormesson retrouvera donc ici les thèmes favoris de l’écrivain, pour la plupart déjà présents dans l’Histoire du Juif errant  (voir mon billet du 29 août dernier) : l’étonnement et l’admiration devant le spectacle du monde, la géographie et les voyages (avec une prédilection pour les régions méditerranéennes comme la Toscane ou les îles grecques),  l’histoire des hommes et de la pensée, l’amour, la littérature, et Dieu. Ils sont abordés sous la forme de chapitres courts – parfois à peine une page -rassemblés en trois parties :  dans la première “Tout passe”,  Jean d’Ormesson raconte son enfance et son adolescence au château de Plessis-lez-Vaudreuil (en réalité Saint-Fargeau), son admiration pour son grand-père, et sa perplexité face à l’évolution rapide et surprenante de notre monde; la seconde, “Rien ne change”, raconte la naissance de sa vocation d’écrivain, encouragée par l’amour de Marie, qui deviendra la femme de sa vie;  enfin, la dernière partie “Il y a au-dessus de nous quelque chose de sacré” constitue une longue méditation littéraire sur l’origine du monde, la pensée philosophie et scientifique, le temps, et le mystère de Dieu. L’ensemble est servi par un style fluide et léger, sur un ton gai qui affiche une modestie de bon goût et une coquetterie érudite. Bref, du Jean d’Ormesson. Ses lecteurs apprécieront, les autres hausseront les épaules avec une mine légèrement agacée.