Littérature contemporaine

Les Enfants de Venise – Luca Di Fulvio

Marc Bordier par Marc Bordier /

Les enfants de Venise

Après avoir passé mes vacances au milieu des collines piémontaises à lire le Dictionnaire amoureux de l’Italie de Dominique Fernandez, j’ai eu envie de prolonger mon voyage en imagination en me plongeant dans un roman d’un auteur contemporain italien, Luca Di Fulvio. Connu principalement pour son roman Le Gang des rêves devenu un best-seller à sa parution en 2008, Luca di Fulvio est une sorte de Ken Follett transalpin, un auteur de romans historiques capable de captiver ses lecteurs sur plusieurs centaines de pages peuplées de héros attachants et de rebondissements bien troussés. Le roman que j’ai choisi, Les enfants de Venise, s’inscrit pleinement dans cette veine.

 

Les enfants de Venise, une histoire d’amour vénitienne

Dans Les enfants de Venise, Luca di Fulvio raconte l’histoire d’amour passionnée entre Mercurio et Giudita dans la Venise du début du XVIème siècle. Mercurio est un jeune escroc au grand cœur qui a fui Rome en compagnie de ses acolytes pour échapper à la colère vengeresse du marchand Simon Baruch après une altercation qui a dégénéré. A Venise, son chemin croise celui de la belle Giudita, une jeune juive échouée sur les rives de la mer Adriatique en compagnie de son père Isacco di Negroponte. Leur amour naissant sera contrarié par les troubles politiques qui secouent la cité des Doges au début du XVIème siècle, alors que les autorités religieuses chrétiennes soufflent le feu sur les braises de l’antisémitisme ambiant. Après la parution du décret obligeant les Juifs à vivre séparés du reste de la population dans le ghetto en mars 1516, Mercurio et Giudita sont condamnés à vivre dans la clandestinité. Les obstacles à leur amour seront encore renforcés par la jalousie de Benedetta, l’ancienne comparse de Mercurio qui, par désespoir et dépit amoureux, manipule l’aristocratie vénitienne pour jeter contre les deux pauvres amants toute la cruauté dont la Sérénissime est capable. A l’issue d’un procès spectaculaire où ils triomphent par leur ingéniosité et leur courage, les amants de Venise quittent la ville sur un navire pour vivre leurs amours loin de la corruption et des miasmes de la lagune.

 

Un roman historique inspiré de Shakespeare

Vous l’aurez compris, Les enfants de Venise réunit tous les ingrédients (les mauvaises langues diront “tous les poncifs”…) du roman historique à la sauce contemporaine : une grande ville au XVIème siècle avec ses rues animées et ses figures pittoresques, des luttes d’influence et des guerres politiques, des personnages courageux pris dans les tourments de l’histoire, le tout servi par un style simple, direct et sans fioritures, une focalisation du point de vue des personnages qui varie d’un chapitre à l’autre, une narration rythmée et des séquences courtes et bien enchaînées (on notera toutefois qu’à la différence de Ken Follett, Luca Di Fulvio n’abuse pas des cliffhangers à la fin de ses chapitres). Pour tenir ses lecteurs en haleine, Luca Di Fulvio a fait le choix d’une intrigue éprouvée : en bon dramaturge qui a lu son Shakespeare, il s’est inspiré des amours contrariées de Romeo et Juliette pour bâtir son récit et ses personnages, allant jusqu’à leur donner des noms qui sonnent comme des clins d’œil. Le résultat est un récit plaisant, agréable même, qui mènera ses lecteurs sans effort jusqu’à un dénouement heureux et un peu convenu.

 

Un tableau de Venise au XVIème siècle

En tant que lecteur, j’ai surtout apprécié ce roman pour ses descriptions de Venise au XVIème siècle. Dans Les enfants de Venise, la Sérénissime est la véritable héroïne, et les péripéties de Mercurio et Giudita ne sont qu’un prétexte pour la mettre en valeur. Loin de son image de carte postale romantique, la cité des Doges apparaît sous les traits d’une ville hostile et dangereuse. Remplie de miasmes, de pourriture et de charogne, la Venise de Luca Di Fulvio étale sa puanteur et sa misère avec les complaisances vulgaires d’une courtisane. Ses rues sont peuplées de voleurs, de mendiants et de prostituées, et ses palais et églises d’aristocrates corrompus et d’ecclésiastiques hypocrites. Le trait est parfois un peu forcé, et le lecteur exigeant soupirera parfois en pataugeant dans la même boue chapitre après chapitre, mais si vous êtes de nature indulgente comme moi, vous apprécierez ce tableau dickensien.

 

Mots clés

Italie, Luca Di Fulvio, roman historique, Venise