Littérature contemporaine

Après l’amour – Agnès Vannouvong

Marc Bordier par Marc Bordier /

Agnès Vannouvong - Après l'amour

   “Il est minuit. Les visages des femmes se succèdent dans un défilé de mots et de masques. La séduction opère en silence. Ca zappe, frappe, sonne, mais pas à la porte. Sur des portails virtuels, les rencontres se poursuivent. […] L’amour se rencontre-t-il encore au coin de la rue ? La vraie vie est-elle virtuelle, dans la Toile, sur les réseaux sociaux ? Les mails à la place des lettres, les SMS pour les télégrammes. L’immédiateté. On claque des doigts. On peut tout avoir. Des vêtements plein les armoires, à peine essayés, des billets d’avions électroniques. Tout est à disposition. Quand commence l’histoire ? Que se joue-t-il derrière l’écran ? Les doigts basculent en azerty ou en qwerty. L’imagination s’emballe. Et souvent, la déception du corps réel.” Ce passage est un condensé du roman d’Agnès Vannouvong,  Après l’amour .  Dans ce récit mené au pas de charge, une lesbienne trentenaire tente de se remettre d’une rupture en se lançant à corps perdu dans une quête frénétique  de rencontres amoureuses sur Internet et dans les bars du Marais. Dès l’incipit (“Ca se passe très vite. Paola me quitte.“), la narration adopte un style nerveux, sec et incisif pour raconter la promiscuité des corps qui se cherchent, les moments de sensualité fugaces, l’urgence du désir et la soif insatiable de l’autre. Le ton, volontairement crû , ne s’embarrasse pas de préciosités pour décrire ces étreintes saphiques sans lendemain. Ici, les mots se bousculent, s’entrechoquent, se débattent pour dire le trop plein d’amour, de femmes et de sensualité.

    Est-ce que j’ai apprécié ce roman ? Oui, même si je dois admettre qu’il m’est arrivé d’éprouver une certaine lassitude face à l’enchaînement parfois un peu répétitif de scènes amoureuses dans la première partie du récit. Heureusement, dans la seconde, il ralentit, s’abandonne dans quelques moments de répit loin de Paris et de ses turbulences, comme si la narratrice avait besoin de s’éloigner de ses nuits de prédation sexuelle pour se retrouver. Dans un travail d’introspection, elle raconte alors ses origines laotiennes, sa mère exilée , son père effacé resté au pays, et le roman cesse d’être un catalogue de rencontres érotiques pour gagner une profondeur nouvelle.