Littérature contemporaine

Avant le silence des forêts – Lilyane Beauquel

Marc Bordier par Marc Bordier /

Forêt silence

 

Le premier roman de Lilyane Beauquel, Avant le silence des forêts, raconte l’histoire de quatre jeunes Allemands engagés sur le front lorrain en 1915. Le récit est constitué d’une série de tableaux (deux ou trois pages tout au plus, parfois même une demi-page seulement) que le narrateur et personnage principal consigne dans son carnet personnel, en attribuant à chacun un titre sous la forme d’un mot unique qui en résume l’essence (“torse”, “soleil”, “ventre”, “ville”, “faim”, “caillou”, “lune” etc.). L’ouvrage se distingue par des qualités stylistiques et littéraires évidentes, comme en témoigne cette description soignée et sophistiquée de la campagne lorraine dans le chapitre intitulé “paysage” (p.16) : “Les premières sensations en France restent gravées dans mon coeur. Les plaines et vallons pimpants sortent d’un baluchon dénoué dans l’instant et poussent gentiment leurs perspectives vers les clochers et les villages. La lumière vient de partout, sans lever de soleil visible, lente et sans oblique, se gardant d’être excessive. Les frissons de menthe se dissimulent dans la courbe de la rivière, presque immobile dans sa transparence tempérée de brume. Les ombres des taillis et des grands hêtres surnagent et n’éteignent pas le reflet du ciel chargé de nuages énergiques.” L’amateur de littérature exigeante appréciera les associations surprenantes (les “frissons de menthe”, les “nuages énergiques” ). Plus loin, il goûtera les oxymores (“l’éclat tranquille”) et les correspondances baudelairiennes (“les couleurs des odeurs”, “les formes des bruits unis”) destinées à souligner l’unité paisible du paysage avant qu’elle ne soit déchirée et mise en pièces par la violence de la guerre.

Tout cela est bien, voire même très bien écrit…mais c’est aussi terriblement ennuyeux ! Dans ce roman, on est à l’exact opposé de la littérature commerciale d’influence anglo-saxonne (voir mes précédents billets sur Ken Follett ou Stephenie Meyer) : l’intrigue est discrète, elle n’est que suggérée par les tableaux successifs, sans véritable alternance de moments faibles et de moments forts, sans tension dramatique ni “accrocheurs de fin de chapitre”; les personnages, eux, sont éthérés et inconsistants, et s’effacent le plus souvent au profit de descriptions impressionnistes évoquant les sensations du narrateur au moment où il les consigne par écrit dans son carnet. Au final, on s’ennuie ferme à la lecture de ce roman. Pour ma part, je l’avoue, j’ai décroché à la moitié du livre, et c’est bien dommage, car il présente de réelles qualités littéraires.

Mots clés

Littérature contemporaine, Premier roman