
Littérature anglaise
Room – Emma Donoghue
par Marc Bordier /

J’ai été déçu par Room. A sa parution en 2010, le roman d’Emma Donoghue a connu un succès considérable aussi bien auprès de la critique que du grand public, et il a été sélectionné par plusieurs grands prix littéraires anglo-saxons. Pour couronner sa carrière, il fait actuellement l’objet d’une adaptation cinématographique sous la direction du réalisateur irlandais Lenny Abrahamson. En refermant le livre, j’ai mieux compris la raison de son succès, qui est aussi malheureusement sa principale limite.
L’histoire est racontée du point de vue de Jack, un enfant de cinq ans qui vit en compagnie de sa mère “Ma” dans une pièce unique nommée “Room”(“La Chambre” – par un snobisme curieux, l’éditeur français n’a pas jugé bon de traduire le titre). Dans Room, les objets sont désignés par des noms propres – Monsieur Lit, Monsieur Tapis, etc. – comme pour souligner leur unicité dans l’esprit du jeune garçon. En effet, Jack est né et a toujours vécu dans Room, sans jamais voir le monde extérieur. Il l’ignore complètement, mais sa mère est séquestrée depuis des années par “le vieux Nick”, un criminel pervers qui l’a enlevée à l’âge de dix-neuf ans et la viole presque tous les soirs. Room est le récit de leur vie en captivité, de leur évasion, et de leur difficile adaptation au monde normal. C’est aussi une histoire d’amour touchante entre une mère et son fils, un amour qui leur donne la force d’échapper au mal et de revenir à la vie.
En lisant ce résumé rapide, vous avez sans doute relevé ce qui fait l’intérêt de ce récit, mais aussi sa faiblesse : la charge émotionnelle qu’il suscite chez ses lecteurs. L’auteur a expliqué que l’idée de ce roman lui est venue en apprenant un fait divers médiatique, l’affaire Josef Fritzl, du nom de ce père de famille autrichien qui a emprisonné sa fille pendant vingt-quatre ans et l’a violée tous les soirs jusqu’à lui donner sept enfants. Lorsqu’elle a été révélée au public en avril 2008, la nouvelle a suscité des réactions d’horreur et d’indignation dans le monde entier. C’est cette émotion que le roman reproduit, avec comme principal alibi littéraire le choix du point de vue de l’enfant pour mener la narration, un regard naïf et méthodique – Jack est un peu maniaque – qui permet de restituer l’insoutenable avec une apparente neutralité.
La littérature est parfaitement légitime à dénoncer toutes les formes de violence et d’oppression. Cela a même souvent donné des chefs d’œuvre, au premier rang desquels figure sans doute le roman de Hugo Les Misérables. Mais dans le cas de best sellers contemporains comme Room ou The Lovely bones, le lecteur en ressort avec l’impression désagréable de s’être fait manipuler, comme si l’auteur avait joué avec ses émotions en actionnant une corde facile.
Dernières publications


Robert Oppenheimer : Triomphe et tragédie d’un génie

Celles qu’on tue – Patricia Melo

La Révolution non-violente – Martin Luther King

L’Océan est mon frère – Jack Kerouac
Littérature contemporaine


2018 : une nouvelle année riche en lectures !

50 nuisances de Glauque - parodie de Cinquante nuances de Grey - Aloysius Chabossot
Littérature étrangère

Deux textes de Zweig à relire aujourd'hui : les Appels aux Européens
Dire son nom - Francisco Goldman
Dire son nom - Francisco Goldman
Voyages

Commentaires
Rejoignez notre communauté de lecteurs sur Facebook