Littérature anglaise

L’Hiver du monde – Ken Follet (2/2)

Marc Bordier par Marc Bordier /

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L’Hiver du monde, le livre de Ken Follett auquel j’ai consacré un billet sur ce blog il y a trois semaines, a bel et bien tenu ses promesses. C’est un roman ambitieux, balzacien même, dans lequel l’auteur raconte la tragédie de la Seconde Guerre mondiale à travers les destins de familles américaines, russes, anglaises et allemandes. Découpé en vingt-cinq chapitres linéaires couvrant la période de 1933 à 1949, le récit met en scène l’arrivée au pouvoir des nazis dans l’Allemagne des années trente, la montée des fascismes européens, la guerre civile d’Espagne, le pacte germano-soviétique, l’invasion allemande de la Belgique et de la France, la bataille d’Angleterre, le Blitz,  l’offensive  de Barbarossa, Pearl Harbor et la bataille de Midway, Stalingrad, le débarquement allié, la chute de Berlin et le début de la guerre froide. Dans une approche plus descriptive qu’explicative, Ken Follett nous montre l’histoire en marche avec, il faut bien le reconnaître, un certain talent de conteur. En lisant son roman, j’ai eu souvent l’impression de redécouvrir  Apocalypse, le passionnant documentaire d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle consacré à la Seconde Guerre mondiale, à cette différence près que dans le livre de Follett, le récit prend une dimension plus vivante en s’incarnant dans les histoires individuelles et intimes de personnages comme Woody, Greg, Lloyd, Daisy, Carla ou Volodya, pour ne citer que les principaux. En effet, tout le talent du romancier réside dans la façon dont il lie ces parcours individuels aux événements tragiques dans lesquels ils s’inscrivent. Grâce à une narration qui adopte leurs points de vue et épouse leurs désirs amoureux et leurs ambitions sociales, l’auteur donne vie aux pages d’un livre d’histoire. Plutôt bien construit, l’ensemble laisse au lecteur une impression de fluidité et de vraisemblance, même si à y regarder de plus près, on aperçoit des ficelles narratives un peu grosses, comme par exemple le fait que la plupart des protagonistes soient impliqués dans des activités politiques ou diplomatiques qui les placent au cœur des événements. De la même manière, pour les besoins de la tension romanesque, les héros d’une même famille se retrouvent de façon théâtrale placés dans des camps opposés sur le plan politique, à l’instar de l’aristocrate anglais conservateur Boy Fitzherbert et son demi-frère Lloyd, militant du parti Labour et défenseur des droits de la classe ouvrière, ou bien de Greg et Volodya Peshkov, deux frères ayant grandi séparément, l’un dans l’Amérique de Roosevelt, l’autre dans l’URSS de Staline, et qui se retrouvent opposés dans leurs services secrets respectifs au début de la guerre froide. Tout cela est bien un peu artificiel, mais  le lecteur de romans de Ken Follett ne s’embarrasse guère de ces considérations. De la même manière, il ne s’offusquera pas de retrouver ici le style formaté des best sellers anglo-saxons, avec sa narration rapide sous la forme de sous-chapitres courts qui se terminent souvent par une phrase isolée en forme de coup de théâtre destinée à le maintenir sous tension. Au final, cela donne un pavé de mille pages qui nous emporte sur les vagues de l’histoire du vingtième siècle. Vivement le dernier tome de la série !