Essais

Le plan de transformation de l’économie française

Marc Bordier par Marc Bordier /

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Climat, Crises : Le Plan De Transformation De L'économie Française | Rakuten

En février, j’évoquais sur ce blog la bande dessinée Le Monde sans fin, dans laquelle le dessinateur Jean-Christophe Blain et l’ingénieur Jean-Marc Jancovici exposent avec beaucoup de pédagogie les causes de notre dépendance aux énergies fossiles et le défi immense qu’il faudra relever pour nous en passer. Depuis, la question du réchauffement climatique a bien évidemment été abordée durant la campagne présidentielle, mais elle a été reléguée au second plan par celle du pouvoir d’achat, et les bonnes intentions en matière de décarbonation ont été éclipsées par les préoccupations très triviales et immédiates des électeurs face au prix de l’essence à la pompe. Pourtant, les deux sujets méritent d’être abordés ensemble car ils constituent les deux faces d’une même problématique : dans nos sociétés dopées depuis des décennies aux énergies fossiles à bas prix, comment réduire nos émissions de carbone tout en préservant l’essentiel de notre mode de vie et de nos libertés ? C’est la question à laquelle tentent de répondre Jean-Marc Jancovici et son groupe de réflexion The Shift project dans leur Plan de transformation de l’économie française.

 

Un plan à la fois exhaustif et méthodique

Paru en février 2022 chez Odile Jacob, ce livre a été conçu avant tout comme un “programme en marque blanche” pour les candidats à la présidentielle, quelle que soit leur orientation politique. A ma connaissance, aucun d’entre eux ne s’en est explicitement réclamé, mais l’idée d’une planification écologique a clairement émergé dans le débat, portée par le candidat Jean-Luc Mélenchon et reprise ensuite par le Président réélu Emmanuel Macron. A quoi pourrait-elle ressembler ? Le plan de transformation de l’économie française (PTEF) nous apporte un début de réponse. Conçu par une équipe de 200 bénévoles, ce livre décrit de manière synthétique l’ensemble des actions qui permettront à la France de réduire ses émissions de carbone de 5% par an et d’atteindre ainsi la neutralité carbone en 2050, comme prévu par l’accord de Paris. Décliné en une quinzaine de chapitres consacrés aux secteurs économiques qui sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre (industrie, agriculture et alimentation, fret, mobilité du quotidien, mobilité longue distance, automobile, logement, etc.), le PTEF propose une approche pragmatique, systémique et méthodique pour décarboner l’économie française. Dans chaque domaine, il dresse un état des lieux des émissions de carbone et propose un plan d’action fondé sur des technologies existantes et éprouvées (comme par exemple le transport fluvial et le fret ferroviaire) en laissant prudemment de côté celles qui sont encore émergentes ou incertaines (par exemple, l’avion à hydrogène). Là où la technologie ne permet pas de réduire suffisamment les émissions, le plan propose une sobriété consentie, c’est-à-dire la réduction volontaire, ciblée et consciente de nos consommations, comme par exemple dans le tourisme longue distance par avion ou l’achat de viande bovine.

 

Un livre qui intéressera le citoyen que vous êtes

En tant que lecteur, j’étais au départ un peu réticent à entrer dans un sujet aussi ardu, mais au fil des pages je me suis pris au jeu. En effet, même si dans sa forme ce livre est moins engageant que la BD Le monde sans fin, il n’est pas du tout réservé à un public scientifique, bien au contraire. Pour ma part, j’y ai trouvé des idées intéressantes sur la manière de décarboner les activités logistiques des entreprises dont j’ai la responsabilité. J’ai plus particulièrement apprécié l’approche scientifique, exhaustive et rationnelle qui sous-tend cet ouvrage : à l’heure où l’écologie politique s’égare dans des polémiques stériles sur la décroissance, l’écoanxiété, la 5G, l’écologie punitive ou la collapsologie (et je ne parle pas du burkini…), Jean-Marc Jancovici et son groupe de réflexion prennent de la hauteur et nous proposent un plan cohérent, pragmatique et bien construit, fondé sur l’utilisation de technologie éprouvées, mais sans non plus occulter les efforts de sobriété qu’il nous faudra fournir.

 

Une faiblesse : la question du financement

Le seul point faible de ce plan réside dans la question de son financement. Certes, il aborde le sujet au chapitre 17 – Mobiliser les finances publiques et l’épargne, mais ce dernier est particulièrement court (7 pages) et ne comporte aucune donnée chiffrée, ce qui est bien dommage. Dans son introduction, Jean-Marc Jancovici évacue la question en arguant que le financement n’est pas le principal facteur limitatif. C’est, me semble-t-il, aller un peu vite en besogne. Quelle est la crédibilité d’un plan de transition écologique dont les besoins et les ressources ne sont pas évalués ? Par exemple, dans l’automobile (chapitre 17) combien vont coûter les aides pour inciter les ménages les plus modestes à remplacer leur véhicule ancien par une voiture électrique ? Là-dessus, le livre n’apporte aucun élément de réponse, alors que le montant de ces aides sera bien évidemment déterminant dans la rapidité avec laquelle les citoyens français adopteront (ou pas) ces nouveaux modes de déplacement et de consommation.

 

Malgré ce défaut, je ne saurais trop vous recommander la lecture du Plan de transformation de l’économie française.

 

Mots clés

Essai, Monde sans fin, Transition écologique