Essais

Le Monde sans fin – Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici

par Marc Bordier / 21 février 2022

Parmi les nombreux livres de ma pile à lire 2022 figurait la BD Le monde sans fin, un ouvrage dont le succès en librairie s’explique par sa résonnance avec les thèmes qui font l’actualité comme la crise énergétique et le réchauffement climatique. Dans cette bande dessinée, Christophe Blain met en scène une conférence de l’ingénieur, enseignant et spécialiste du réchauffement climatique Jean-Marc Jancovici. Avec beaucoup d’humour et de pédagogie, ce dernier – ou plutôt son avatar dessiné – raconte comment nos sociétés industrialisées et consuméristes sont devenues ultra-dépendantes à l’énergie abondante et bon marché, et comment cette trajectoire nous mène tout droit vers une catastrophe de grande ampleur à cause du réchauffement climatique.

 

En soi, le propos n’est pas nouveau : dès le début des années 70, le GIEC tenait déjà ce discours dans son rapport sur les limites de la croissance et les alertes sur les conséquences de nos choix économiques et énergétiques font l’objet de nombreux rapports, essais et articles de journaux. En fait, l’originalité de ce livre tient plutôt au format choisi, celui d’une bande dessinée, un genre souvent considéré – à tort – comme réservé à un jeune public. A l’instar du Maus du dessinateur américain Art Spiegelman, Le Monde sans fin appartient à ces livres qui s’approprient les codes légers et décomplexés de la bande dessinée pour nous inviter à réfléchir à un sujet sérieux. En s’éloignant du format classique de l’essai historique, scientifique ou géopolitique, ils parviennent à toucher un public plus large et renforcer l’écho de leur message.

 

Original sur la forme, Le Monde sans fin l’est aussi sur le fond par sa perspective historique. Allant au-delà d’une écume médiatique qui rapporte avec une régularité déprimante les catastrophes causées par le réchauffement climatique (incendies, inondations, feux de forêts, etc.), il nous raconte à l’aide de graphiques et de courbes s’étendant sur plusieurs siècles comment l’humanité est passée d’une économie agricole et faiblement consommatrice en énergie à une organisation industrielle dont le mode de vie repose sur l’illusion d’une croissance infinie alimentée par les énergies fossiles. En tant que lecteur, j’ai trouvé le discours à la fois clair, simple et convaincant par sa rationalité factuelle et très bien documentée, même si je me suis souvent demandé en chemin comment Jancovici avait pu accumuler des séries statistiques avec des données aussi longues (comment faisait-on pour mesurer la consommation d’énergie au début du XIXème siècle ?).

 

Le résultat est un livre à la fois plaisant à lire sur la forme et très bien argumenté sur le fond. Son seul défaut est peut-être qu’il laisse un sentiment d’angoisse et une question lancinante : “Et maintenant, que fait-on ?” Pour y répondre, il faudra lire Climat, crises : Le plan de transformation de l’économie française, un essai collectif paru le 26 janvier avec comme préfacier le même Jean-Marc Jancovici. En cette année d’élection présidentielle, c’est tout un programme.