Essais

Jean-Hervé Lorenzi – Le fabuleux destin d’une puissance intermédiaire

Marc Bordier par Marc Bordier /

Lorenzi_Puissance_intermédiaire

En cette période de campagne électorale sur fond de crise financière, j’ai ajouté à mon programme de lectures pour 2012 quelques essais économiques et politiques. Pour commencer, je viens d’achever le livre de Jean-Hervé Lorenzi Le fabuleux destin d’une puissance intermédiaire. L’auteur, économiste réputé et administrateur de plusieurs entreprises, livre une analyse étonnamment lucide sur la situation de la France d’aujourd’hui. Il part pour cela des thèses déclinistes défendues avec talent par Nicolas Baverez dans son essai La France qui tombe (2003) et dans les colonnes du Point (en résumé : la France est sur le déclin car elle est plombée par une administration omniprésente et inefficace, une économie fermée et administrée, un marché du travail rigide et une fiscalité paralysante). Prenant le contre-pied de cette analyse, Lorenzi commence par rappeler que la pensée décliniste est une vieille rengaine française : déjà, au XIXème siècle, les intellectuels français (au premier rang desquels Chateaubriand) s’inquiétaient de la décadence de la France, du recul de son influence, de son incapacité à innover et de son vieillissement démographique. Lorenzi montre ainsi que la pensée de Baverez (et de ses pairs Jacques Marseille ou Nicolas Zemmour), sous des dehors en apparence factuels et irréfutables (“Chiffres à l’appui, Nicolas Baverez établit le constat clinique d’un déclassement“), est en fait une interprétation erronée du réel solidement ancrée dans notre culture depuis des siècles. Pour autant, Lorenzi ne réfute pas en bloc les thèses déclinistes sur l’état de la France; il en livre en fait une vision plus nuancée et contrastée, à la fois lucide et optimiste. C’est là sans doute que réside l’intérêt principal de l’ouvrage. Tout au long de ses 180 pages, il s’attache à décrire les forces contradictoires qui traversent le pays, entre innovation et peur de l’avenir, dynamisme et passivité, ouverture sur l’Europe et refus de la mondialisation… Pour Jean-Hervé Lorenzi, la France est une puissance intermédiaire capable de maîtriser et d’orienter son destin, à condition qu’elle s’en donne les moyens et retrouve confiance en elle-même.
J’ai apprécié cette vision équilibrée. Dommage que les pistes d’amélioration soient seulement esquissées. “Il existe quelques leviers, sûrement une nouvelle organisation du marché du travail, une fiscalité retrouvée et une coopération renouvelée dans le cadre européen“, écrit Jean-Hervé Lorenzi. Mais qu’entend-il précisément par là ? Nous n’en saurons rien, et l’auteur s’en tire par une pirouette : “un projet doit être simple et compréhensible. Ce n’est pas l’objet de cet essai que de le proposer.” Le lecteur avide de détails pourra peut-être les trouver dans son nouvel essai, paru la semaine dernière : Droite contre gauche. Tout un programme…