Classiques

Le Magazine littéraire – Balzac et la digression

Marc Bordier par Marc Bordier /

Honoré_de_Balzac_Caricature_de_Benjamin_Roubaud

J’ai lu dans Le Magazine littéraire de ce mois-ci un article très intéressant d’une universitaire (Aude Déruelle) sur la digression chez Balzac. Il est vrai que cet aspect du style balzacien est généralement peu apprécié des critiques comme des lecteurs : les premiers lui reprochent sa lourdeur, tantôt affectueusement (comme Proust dans le premier chapitre de son pastiche L’affaire Lemoine), tantôt sarcastiquement (comme Taine, cité dans l’article) ; les seconds voient dans ces digressions des passages ennuyeux qui ralentissent inutilement la progression du récit. Pourtant, comme l’expose Aude Déruelle, ces commentaires en apparence hors sujet sont un élément essentiel de l’écriture réaliste, dont l’ambition est d’embrasser et d’expliquer la totalité du réel. Dans La Recherche de l’absolu, Balzac lui même définit les génies comme “ceux dont le génie est de tout voir, de tout savoir, de tout comprendre” et c’est exactement ce qu’il s’efforce de faire dans ses propres romans. Voilà pour le point de vue du critique. En tant que lecteur, j’en conclus qu’il ne faut pas survoler rapidement ces passages en les considérant comme secondaires par rapport au récit lui-même, mais au contraire voir en eux un élément essentiel du récit réaliste et leur accorder toute l’attention qu’ils méritent.